Chère Galaxie,

Je ne pensais pas un jour, oser t’écrire, ni partager avec toi mes raisonnements et te raconter tout ce qui me trotte dans la tête et dans le cœur.

Mais voilà internet est arrivé, et même si, il n’y a pas si longtemps je détestais les ordinateurs, j’ai toujours eu plaisir à écrire, à raconter et à prendre des notes sur quantités de feuilles de papier qui trainent encore partout dans mon atelier, à la boutique, dans ma bagnole et chez moi aussi bien sûr. Ayant choisi de travailler, seul comme artisan et de manière traditionnelle, avec comme objectif une production de la plus haute qualité possible, en recherchant toujours des matières rares et belles, en y mettant sans compter, tout le temps nécessaire, sans compter non plus la quantité de métaux précieux à utiliser pour que mes bijoux durent le plus longtemps possible, le temps est pour moi plus que relatif. Je pense même qu’une fois l’œuvre réalisée, le temps se sera tout simplement métamorphosé en énergie généreuse, lumineuse et amoureuse.

À propos de ce temps, je t’imagine sourire, toi qui disposes de l’éternité, le temps ne te préoccupes manifestement pas, du moins je l’espère, car tristement, ici la chose est devenue une obsession.

Depuis quelques décennies sur notre belle perle bleue, des petits malins ayant faits de grandes études se sont mis en tête de tout faire tourner de plus en plus vite, rentabilité oblige. Le système devait nous amener bonheur, abondance de produits et profusion de temps libre, moult services gratuits et loisirs à n’en plus finir, et quand je dis nous, cela ne concernait surtout qu’une partie de ceux qui ont eu la chance de naître dans des territoires riches. Petit à petit, des tricheurs et des menteurs se sont mis de la partie, on nous disait que le marché se régulariserait de lui-même….. Et bien évidemment, la vitesse de rotation augmentant toujours, par la force centripète, le jouet s’est récemment cassé, à la surprise de plusieurs mais pas de tous. En réalité je suis bien content de cette crise, elle va nous obliger à réfléchir et à ralentir.

Ralentir, c’est ce mot que j’ai en tête depuis plusieurs mois. Je sais bien que pour réussir une œuvre, si modeste soit-elle, il faut prendre et respecter le temps, s’en faire un ami, un confident, y investir beaucoup de patience et savoir que de toute façon, la contemplation sera au bout de l’effort et que la fierté sera elle aussi au rendez-vous. Cette fierté, je la vois parfois près de moi, et même à ton échelle, chère belle galaxie, devant pareil spectacle, tu serais comblée de bonheur et tu te dirais que tu n’as jamais rien vue d’aussi charmant depuis le Big-bang….. Enfin j’exagère peut être… un peu.

Les humains parlent souvent de temps et de distance, de chiffres et d’argent, ils m’agacent sérieusement, à se demander si, ils n’en oublient pas leur statut de mortel. Il serait plus urgent et plus sage de rêver et d’agir, de créer et de donner, de s’émerveiller devant toutes les beautés partout facilement visibles mais, les propagandes et les messages que nous recevons encore et encore sont toujours aussi stupides, aussi mensongers et aussi nombreux maintenant qu’avant la crise. Cela m’étonne, il faut croire que biens des organismes ne veulent surtout pas perdre la face.

Heureusement, loin de cette frénésie médiatique, dans des solitudes chéries, entre amies et amis, entre amoureuses et amoureux, entre créatrices et créateurs, la complicité, la solidarité et le partage restent possibles. Le bonheur se trouve dans l’unique, dans le calme et non pas dans la vitesse et encore moins dans la quantité.

Plus le temps passe, plus je pense à ta nature, toi qui nous semble immobile et qui pourtant s’y connaît drôlement bien en vitesse, toi qui nous semble si loin et qui pourtant nous tends les bras, tellement, qu’il y a promesse de mariage avec notre belle voie lactée, et que jamais semblable étreinte n’aura été racontée. Je compte bien être à la noce, ce sera une fête de platine éternelle, j’aurais alors encore beaucoup de pensées à te dire, d’histoires à te raconter, et d’œuvres à te montrer.

La création est une source d’éternité et n’arrive que par une intention et des gestes d’amour.

Ralentir… permets d’y voir plus clair et au risque de passer pour étrange, oser te donner la main, angélique et céleste galaxie.

Se confier à une galaxie, te semble probablement disproportionné et pourtant j’ai comme toi tout mon temps, les distances ne me font pas peur, et je crois que l’émerveillement n’est pas une question d’échelle, l’infiniment petit et l’infiniment grand sont tous deux récipients d’amour. Et que nous les humains, devrions nous sentir privilégiés par ce grandiose spectacle offert gracieusement.

Merci de me lire, je t’écrierai encore, je sais ton cœur de grande densité et d’infinie patience.

Belle galaxie, je pense à toi et en attendant ta réponse, je te souhaite des milliards d’années de belles journées.

Michel Zimmermann
Artisan Bijoutier-Joaillier
Québec
13 mars 2009

P.S. Grand merci à http://www.radioswissclassic.ch pour sa généreuse et agréable musique.