La création est une obligation de créature……..( 21 avril 2010 )

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J’aime les grosses tasses blanches et les théières brunes anglaises, j’aime aussi le thé à la bergamote, mais ces préférences n’expliqueront en rien le titre de cette conférence que je vais oser prononcer demain soir devant un auditoire des plus cultivés de la région de Québec.

Ce texte se veut, de la part d’un artisan heureux…..oui heureux… pourquoi ne pas le dire, un désir d’expliquer les motivations et l’obligation à laquelle aucun humain ne pourrait ou ne devrait échapper, croyant même qu’il lui sera très bénéfique d’y céder, de s’y complaire et de s’y réaliser, tant pour son propre bonheur que pour le bonheur de tous ceux qui, sans tenir compte de quelque distance que ce soit, seraient en relation avec lui-même et sans qu’il soit non plus question d’en mesurer la durée.

En partageant un bon thé avec vous, je me mets donc à l’ordinateur sachant que viendra en point d’orgue la belle aurore du matin.

Le réveil à la nature. Depuis ma plus tendre enfance j’ai toujours été fasciné par la grande beauté de la nature, par l'infinie variété des couleurs et des contrastes que nous offrent les trois règnes. En s'y arrêtant un peu, est-il possible d’être insensible à toutes ces couleurs, à la fine précision et à cette incroyable symétrie que l'on retrouve dans les ailes d’un papillon qui lui ne s’en soucie guère et qui continuera son petit bonhomme de vol imprévisible au gré des vents et des parfums des fleurs lui servant de pistes d'attérissage provisoires et de station de ravitaillement. De même que je ne pouvais qu’être en admiration devant toutes ces fleurs qui à tous les années dans les derniers champs de Limoilou, du printemps à la fin de l’automne nous sont offertes par millions d'exemplaires, avec la collaboration certaine du ciel jouant son rôle d’arrosoir. Cette même pluie qui fera ressortir par milliers, aussi sûrement que la foule est attiré par un concert...de rock, les vers de terre, qui ne veulent surtout pas périr noyés dans des tunnels de mineurs sans minerais. Et puis attiré par ces cailloux plus brillants que les autres, que je ramassais lors de mes marches sur et le long du chemin de fer, dérangeant régulièrement ces grosses sauterelles grises occupées à prendre un bain de soleil et qui avec un bruit bien caractéristique s’envolaient de leurs ailes vertes et jaunes pour se reposer un peu plus loin comme pour me précéder. Par dessus toutes ces couleurs vivantes, abondantes et offertes avec tant de générosité, les nuages dans un ciel ensoleillé et les courbes du vent emportant tout ce qui vole, poussières, feuilles, insectes, odeurs de l'air et de la terre. Des centaines, des milliers d’heures d’observation plus qu’attentives qui m’ont fait comprendre très tôt que ce monde était un monde de Création, un monde de création avec un C majuscule, car il était tout simple de conclure, que ni mon père ni aucun autre homme n’était responsable de tout cela. J’estime avoir eu la chance inouïe de ne jamais cessé d’observer de près cette généreuse Création, et encore plus maintenant que je suis un inconditionnel de la loupe aplanétique 10X, cette loupe qu’aime tant les gemmologistes et dont les bijoutiers-joailliers ne devraient jamais non plus se passer. Partout, en permanence, et par tous nos sens, la nature, l’univers tout entier n’est que beauté, couleurs contrastées, mouvements et danses, structures des plus surprenantes, forces et ténacités. Rien de plus facile que lui accorder un peu de temps, du temps volé au capitalisme, et de se voir recharger les batteries et l’âme toute entière pour encore faire, heureux, le chemin pour les heures et les jours à venir. Photo: Partie d'un tableau de Marius Dubois '' Le jardin Cabot ''

De la solitude au désir d’actions et de partage. Rapidement dans l’enfance et avant la fin de l’adolescence, c’est à espérer... l’enfant se rendra compte, que nous les humains, partageons avec les règnes animal et végétal, la fatalité du temps, celui qui ne revient pas, celui qui nous apporte les bonheurs, les espoirs et malheureusement aussi les souffrances, et qu’au bout du chemin où se trouvera sans doute la mort....tout simplement. Alors comment ne pas réagir devant ce scénario et cette fatalité imposée, devant tant d’abondantes beautés, tant de désirs de bonheur, si ce n’est qu’en cherchant à y ajouter notre grain de sel, pas toujours consciemment au début, plutôt même souvent pour attirer à soi avantages, amitiés et l' amour sans lequel la vie, le mouvement, le souffle de nos êtres ne peuvent exister... Rêver et réfléchir, imiter et agir, partager et donner, par instinct très certainement, les premières réflexions et explications ne pouvant que se mettre en place lentement dans l'enfance, suivi des premiers gestes créatifs, avec la certitude d’être dans le bon chemin, encouragé en cela par des parents et des adultes qui par leurs exemples et leurs œuvres nous tracent depuis longtemps une route belle et pacifique. Des réflexions qui ne peuvent que faire naître en tête et préciser sans cesse la notion de création, celle du Créateur du Grand Tout, du Responsable du Spectacle Permanent, que je me garderai bien de nommer, ayant la certitude démontrable aisément d’être moi-même une créature. Comment un bol pourrait-il avoir l’idée ou même la prétention de parler au nom de son créateur et à quoi bon, étant donné sa nature imposée, cela pourrait-il bien lui servir ? De bien se tenir, de bien contenir liquide et solide le temps de sa courte vie, il en sera bien assez occupé, incapable d’offrir plus il fera quand même tout pour être à la hauteur des intentions de son créateur, à nous de l’admirer, de le protéger et de l'aimer. Photo: Hybiscus et vase ( Île d'Orléans )

À l’école de la création jusqu’à la mort. Je choisi donc d’accepter mon rôle de créature, mais de ne pas le minimiser, de mettre en route toutes mes énergies, toutes mes compétances, pour à mon tour, prendre la suite, et même un peu la relève du Créateur, de me réaliser et me sentir utile, pour partager et pour offrir à mes semblables, des œuvres nécessaires, des œuvres qui par leurs densités, leurs précisions, leurs durabilités, ne pourront que aider à rendre la vie, un peu plus agréable mais peut être surtout rendre immortel le temps de ce dialogue si intime entre l’œuvre et l’observateur, qu’il en soit le maître, le propriétaire ou même le passant. Plus grande sera la communion de la Création, plus grande sera la qualité et la densité de nos créations de créatures, plus profitable sera l’utilité de notre passage sur terre. Nourri par la Création, et nourrissant autrui par nos créations, nous ne pourront alors qu’avoir la certitude de porter tel un arbre fruitier les fruits propres à notre espèce. Un pommier heureux ne peut qu’être un pommier donnant de nombreuses pommes, de nombreuses belles pommes sur le plus grands nombres d'années possible, lui viendra ensuite le repos mérité, la satisfaction d’avoir oser mettre au monde des pommes délicieuses encourageant ainsi les plus jeunes pommiers à suivre ce chemin . Toutes ces créations, toutes ces merveilles répondent et obéissent à des forces, des lois, des comportements d’une même logique, d’une même direction, d’un mêmem souffle. Comment alors prétendre se détacher du passé, se détacher des contraintes que nous impose le Créateur, ne pas être nous-mêmes un maillon de plus, une grande courbe de plus ajouté à toutes celles qui nous ont précédé et nous ont offert la possibilité de vie meilleurs, plus belles, plus facile. Nous avons cette obligation journalière de mettre au monde des intentions, des propos, des objets, des gestes créatifs, des objets, des œuvres pour répandre sans chercher à comptabiliser aucunement de la beauté, des morceaux de bonheur et de la paix à profusion. La Création nous appelle donc à la vocation, nous pousse à la création à notre tour. L’exemple est quand même considérable, on ne pourrait pas dire que nous ne l’avions pas vu, que nous n’en avions pas profité. Le message semble très clair, tout simple, le message s’impose de lui-même, les systèmes politiques parfois prenant un malin plaisir à nous en éloigner…à nous de résister et de porter haut le flambeau de la création. Savoir accepter cette situation, vouloir partager et améliorer notre condition, par amour mais peut être surtout par un grand respect, que je place de plus en plus au dessus de cet amour indéfinissable, motivation qui sans être de même grandeur ne peut qu’être de même nature que celle du Créateur……..dont je m’excuse, je ne sens absolument pas la compétence comme créature de nommer. Aucune révolution ne pourra faire plus que celui qui seul décidera de créer par amour, de donner sa vie pour ses oeuvres....celui là change un tout petit peu le monde, mais le change pour toujours. Photo: Alliance platine et diamants par Sanae Watanabe

Par mon admiration, par leurs solidarités, par leurs soutiens, je tiens à remercier ici profondément tous mes amis artisans en bureaux, mes amis artisans en ateliers, mes amis artisans en usines et en extérieurs qui m'apportent tous, tout ce que la race humaine a su développer de beaux et d'efficaces pour nous rendre la vie plus belle et plus créatrice. Un immense merci aussi à mes apprentis qui par leurs écoutes et leurs désirs d'apprendre ce beau métier m'obligent à devenir un artisan meilleur et plus particulièrement à Sanae qui m'a demandé, cadeau suprême, lourd de belles conséquences, de devenir un maître parfait. Quelle responsabilité.... j'y travaille fort, comme on dit au Québec...avec bonheur jusqu'à ma mort, voulant, boson moi aussi, offrir belles récoltes de pommes jusqu'à la fin. Maintenant, l'aurore se montre et s'intensifie , une somptueuse naissance, une lumière toute neuve. Arbres, ciel et forêts gagnent en couleurs lentement en perdant ce gris si particulier du matin, du silence et de la musique classique......comment ne pas avoir envie de créer. Belle journée et merci de me lire. Michel Zimmermann Artisan Bijoutier-Joaillier Québec le 21 avril 2010 P.S. Je sais, je n'ai pas tout dit......