Jonc Argent Sans Soudure ( Octobre 2006 )

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Avant-propos

La fabrication d’un jonc ou d’une alliance, fait entièrement à la main sans aucun moulage et sans aucune soudure, peut sembler dépassée ou d’une autre époque.

Cette méthode, pourtant, permet à tout artisan disposant d’un minimum d’outils, de produire librement une très grande variété de modèles d’anneaux et d’alliances, de très grande régularité et de grande solidité, car il n’y a pas de soudure.

Le PRINCIPE en est le suivant: Une rondelle découpée dans une plaque d’argent sera déformée par le centre pour devenir cylindrique et sera ensuite limée et polie à la main.

L’artisan pourra aussi produire avec cette méthode, en argent, en or 18K, en platine ou en palladium, de petites et de grandes sertissures, rondes ou ovales, cylindriques ou coniques, ainsi que des anneaux à inclure dans la fabrication de chaînes et autres pièces de bijouterie et joaillerie.

La qualité de ces alliances ne peut être dépassée. En effet, l’épaisseur, la largeur et la forme en sont parfaitement régulières. Le métal précieux laminé est beaucoup plus dense, plus brillant et plus résistant que toutes autres pièces fabriquées par moulage.

Avec le temps, si besoin, ces alliances pourront être mises à grandeur, toujours sans soudure et sans aucunes altérations, un simple polissage et elles seront toujours comme neuves.

Les outils utilisés dans ce chapitre pourraient être légèrement différents, mais le principe et l’ordre des étapes doivent être respectés et comme pour monter un escalier.  Chaque marche compte et compte vraiment.

J’ai décidé avec ce site internet de rendre public tous les aspects de mon travail d’artisan, par contre si mes écrits étaient utilisés pour fin d’enseignement, je demande d’en nommer très clairement l’auteur. Il me fera aussi grand plaisir de répondre à toutes questions permettant de préciser un peu plus mes propos pour faire encore mieux comprendre les aspects et nuances de ces techniques.

Rien dans mon travail n’est le fruit du hasard, tout est réfléchi, avec le désir et l’obsession de toujours faire un travail de la plus haute qualité possible.

Et c’est parti……

DEMI-JONC ARGENT SANS SOUDURE.
5 mm de large, doigt numéro 9.
Référence en boutique: JO.A.01 5 mm
Matière d’oeuvre: Plané d’argent 925/1000 à 23,5/10 mm d’épaisseur
Poids en argent du lingot de départ: 70 grammes
Temps de fabrication: environ deux heures

Pour produire le lingot de départ, nous utilisons une lingotière basculante, vieux modèle... mais oh combien efficace. Elle se compose de trois parties. 1) La lingotière proprement dite, faite de deux pièces d’acier coulissantes, permettant de faire varier le largeur du lingot. 2) D’un creuset en céramique, résistant à de très haute température dans lequel l’argent sera fondu par un chalumeau propane et oxygène. 3) De la lingotière basculante qui permet à l’argent en fusion de se déverser facilement dans la lingotière. Avant la fonte, l’intérieur de la lingotière est nettoyé avec un tout petit peu d’huile pour permettre au lingot de bien s’en détacher et d’avoir ainsi une belle surface. Si le creuset est neuf, il faudra aussi ajouter du borax pour absorber les éventuelles impuretés.

Aussi particulier et étrange que cela puisse paraître, pour la fonte de l’argent uniquement, un clou, un simple clou commun en fer NON galvanisé, est utilisé pour remuer l’argent en fusion. Le fer rougi dans l’argent liquide attire à lui l’oxygène de l’air et empêche ainsi la formation de bulles d’air dans le lingot. Une fois l’argent en fusion, la lingotière est basculée, d’un seul mouvement, l’argent se déverse alors facilement pour produire un lingot de 9,5 mm d’épaisseur. La largeur du lingot est d’environ 30 mm .

La lingotière est basculée. Ensuite en dévissant une simple vis, la lingotière sera ouverte pour en retirer le lingot d'argent.

Il faut maintenant attendre un peu que le lingot refroidisse. Je profite de l’occasion pour vous dire qu’en bijouterie et joaillerie, le travail des métaux précieux se fait toujours à froid. Le chalumeau est utilisé essentiellement pour les trois techniques suivantes: La fonte du métal précieux pour faire des lingots, La soudure, Le recuit qui consiste à chauffer la pièce de métal précieux à rouge pour enlever toutes les tensions mécaniques apportées par le travail précédent ce qui permet ensuite d’exercer des efforts mécaniques dans de nouvelles directions.

Le laminoir est un appareil essentiellement constitué de deux rouleaux d’acier tournant en sens inverse. Le réglage de l’écartement de ces rouleaux permet par passes successives de réduire petit à petit l’épaisseur du lingot. Pour la fabrication de ce demi-jonc argent, nous laminerons, toujours dans la même direction, pour obtenir une plaque ou plané d’argent de 23,5/10 mm d’épaisseur.

Avant d'atteindre l'épaisseur de 23,5/10 mm, le lingot s'allongera encore un peu.

Le recuit est une opération très importante, plus il y a d'étapes dans la fabrication d'une pièce de bijouterie, plus il y aura de recuit

Le tracé de la rondelle nécessite la réflexion et le calcul suivant. Pour faire un jonc d’argent qui soit non seulement solide, mais aussi avec un volume qui inspire confiance, il faut décider d’une épaisseur qui soit PLUS que celle nécessaire. Par expérience, nous avons donc décidé d’une épaisseur de 23.5/10 mm, ce qui donnera une fois terminé, un demi-jonc de 21/10 mm d’épaisseur au centre. La grandeur de doigt et la largeur de l’anneau sont les principales données utilisées dans le calcul des deux diamètres de la rondelle à découper. Il faudra mesurer en millimètre le diamètre intérieur de la grandeur de doigt no: 9, soit presque 19 mm et à ce diamètre il faudra ajouter la largeur de l’anneau de 5 mm donc: 19 mm plus 5 mm donne 24 mm et ajouter 1 mm de plus ( comme pour le thé, une cuillère par personne et une de plus pour la théière ), ce qui donne une rondelle de 25 mm de diamètre extérieur. Pour trouver le diamètre intérieur de la rondelle, il faudra soustraire deux fois la largeur de l’anneau, donc 10 mm et soustraire encore, toujours pour la théière, 0,5 mm. Ce demi-millimètre tient compte du métal qui sera enlevé à la lime pour mettre parallèle les côtés du cylindre d’argent. Donc l'extérieur sera de 25 mm et l'intérieur de 14,5 mm. Avec un compas à pointes sèches et un centre fait avec un poinçon, il suffit de tracer sur la plaque d'argent, très nettement et proprement les deux cercles de la rondelle.

Le découpage de la rondelle doit absolument être le plus parfait possible, pour permettre aux étapes suivantes de bien se dérouler

Avec cette photo il est facile de voir la rondelle extraite, par découpage, de la plaque d’argent.

Avec l’aide d’un dé à emboutir, la rondelle d'argent sera embouti en son centre par une bouterolle d'acier, outil visible dans le bas de la photo.

Avec une masse ou un marteau assez lourd, une bouterolle de diamètre inférieur à l’extérieur de la rondelle, mais plus grande que le diamètre intérieur de la rondelle, emboutira la rondelle pour donner une forme conique.

On voit très bien sur cette photo que la rondelle est devenue conique, qu'elle est sur le bon chemin pour devenir un cylindre dont l'épaisseur demeurera parfaitement uniforme, car l'épaisseur de l'anneau était l'épaisseur du plané d'argent.

Encore une fois, il faudra recuire la rondelle pour pouvoir continuer en toute sécurité sa déformation, en route pour devenir un cylindre.

À l’aide d’un appareil à agrandir les joncs, constitué d’un très long cône d’acier divisé en quatre parties, à l’intérieur duquel coulisse un autre grand cône d’acier plus petit et avec l'aide d'un levier, écarte par l’intérieur le cône extérieur et donc aussi l’anneau d’argent, qui devient ainsi petit à petit, un cylindre. Cette étape pourrait aussi se faire avec un marteau et sur un simple triboulet, mais demande beaucoup plus de temps et d'expérience.

Il est maintenant très clair que cette jeune rondelle d’argent sans soudure deviendra bientôt et sans passer par l’adolescence, un beau jonc d’argent adulte.

Limage parallèle du cylindre à 5 millimètres de large tout autour et vérification faite à l’aide d’un pied à coulisse et d’ un micromètre. À ce stade, il est sage de laisser un dixième de millimètre de plus pour tenir compte du papier d’émeri et du polissage à venir.

Limer en demi-jonc, de manière parfaitement régulière et parfaitement symétrique, en respectant tout autour l’épaisseur du centre de l’anneau, exige une attention toute particulière au jeu de la lumière à la surface de l’argent. Il faut savoir aussi croiser les traits de la lime pour obtenir une surface faite de courbes irréprochables.

La surface du jonc est maintenant passé au papier d’émeri no 400 et no 600, pour lui donner une surface vraiment lisse et prête pour l’étape du polissage.

Le polissage intérieur et extérieur se fait tout entier à la cheville, avec des feutres de petits et de plus grands diamètres à l'aide d'une pâte à polir blanche à base d’oxyde d’alumine. À ce propos, je n’aime pas du tout, mais vraiment pas du tout, les pâtes à polir traditionnelles tel que le rouge d’Angleterre et toutes les autres couleurs du même groupe, je les trouve inefficaces, pas assez rapides et de plus très salissantes. Toutes mes excuses à ma terre natale et à Sa Majesté la Reine, propriétaire de si beaux et de si gros diamants. J’ai eu la chance de voir ces merveilles d’assez près, d’assez près pour être prêt, bénévolement à faire de sertissures sans soudure pour les monter en jolis pendentifs faits à Québec.

Le polissage final avec le tour à polir sert surtout à enlever les dernières traces de polissage déjà fait auparavant à la cheville. Il est donc plus juste de parler d’avivage. Cette opération se fait toujours avec cette pâte à polir blanche que je trouve miraculeuse. Le résultat est toujours magnifique. Ne reste plus qu’à faire chauffer de l’eau avec un peu d’ammoniaque et de liquide à vaisselle pour nettoyer le demi-jonc d'argent dans un appareil à ultrason.

Le jonc est maintenant dans son écrin, disponible pour la boutique ou pour un client à qui il est toujours agréable de téléphoner pour lui dire que sa commande est prête. Il faut environ deux heures pour faire un jonc de ce genre, un peu plus... ce n’est pas grave, beaucoup plus.... c’est un manque d’expérience ou d’énergie, un peu moins... c’est bien, vraiment bien, beaucoup moins...... je demande à vérifier la qualité............ J’espère sincèrement vous avoir fait comprendre cette méthode. Il y a dans ce genre de fabrication toutes les intentions d’amour de l’artisan qui cherche à faire de son mieux depuis la nuit des temps pour apporter à ses semblables des objets, des services, des beautés qui aident à vivre, participant ainsi depuis toujours un peu au bonheur de chacun. Vive tous les artisans. J'en connais et ils ont toujours beaucoup de cœur. Michel Zimmermann Artisan Bijoutier-Joaillier 15 octobre 2006