Méthodes de Travail

Aiguilles à coudre en bijouterie-joaillerie ( 1 Septembre 2009 ) retour


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Aiguilles...................... à coudre ?

J'oserai dire qu'il est impossible de faire de la bijouterie-joaillerie sans avoir une bonne réserve d'aiguilles à coudre en acier trempé dans son atelier.

En effet cet outil, propre à coudre les boutons des chemises du bijoutier-joaillier servira aussi à fabriquer principalement des forets, des pointes à tracer, des émeriseurs, des mandrins, des pointes à feu, des calles.....et j'en oublie probablement.

Les aiguilles en acier trempé de bonnes qualités venaient principalement de Suède, mondialisation oblige la Chine nous vend maintenant à prix plus que raisonnables des aiguilles à coudre de qualité fort acceptable.

J’ai décidé avec ce site internet de rendre public tous les aspects de mon travail d’artisan, par contre si mes écrits étaient utilisés pour fin d’enseignement, je demande d’en nommer très clairement l’auteur. Il me fera aussi grand plaisir de répondre à toutes questions permettant de préciser un peu plus mes propos pour faire encore mieux comprendre les aspects et nuances de ces techniques.



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Une aiguille 10/10 mm de diamètre

L'avantage majeur de ces aiguilles est d'une part leurs faibles coûts, mais aussi et surtout elles ont des diamètres très variés qui se prêtent à merveilles au besoin du travail des métaux précieux. On trouve facilement des aiguilles aussi fine que 4,3/10 mm et certaines auront des diamètres de près de 20/10 mm.

En plus de servir en autres de pointe à tracer précise et toujours neuve, l'outil le plus utile que pourra fabriquer un bijoutier-joallier est le foret-aiguille fait entièrement à la main.

Voici comment fabriquer, simplement, avec un peu d'habitude bien sûr, un foret toujours parfaitement coupant et du diamètre approprié au travail à exécuter.

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Casser le bout de l'aiguille

La partie du chas n'étant pas utile pour faire un foret, elle sera tout simplement cassée avec une pince plate, l'aiguille étant tenue dans un roule-goupille. Cette opération aura aussi l'avantage de faire comprendre immédiatement si la qualité de l'acier est bien celle dont on a besoin. La bruit de la cassure devra être sec, et il ne faudra pas avoir eu l'impression que l'on ait pu tordre l'aiguille ce qui serait le signe d'un acier non trempé. Pour que les angles de coupe du foret percent facilement le métal précieux, il est impératif que l'acier soit cassant et trempé.

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Pierre India

Pour fabriquer un foret-aiguille il faut donc un roule-goupille pour tenir l'aiguille, une pierre à aiguiser huilée modérément, une ou deux gouttes d'huile type machine à coudre ( encore une histoire d'aiguille... ) fera parfaitement l'affaire, ici en photo une pierre '' India '' peu coûteuse et très efficace.

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Deux plats comme sur un tournevis

En tenant très fermement dans sa main le roule-goupille et en ayant le coude posé sur le côté droit ou l'inverse pour les gauchers, l'aiguille dépassant d'environ sept à huit millimètres du roule-goupille, il faudra par des mouvements de va et vient rapides et fermes, sans effets de vagues, user en angle deux plats de chaque côté de l'aiguille, un peu comme si l'on désirait fabriquer un tournevis.

Il est très important, pour la précision de cette opération, de considérer son bras comme un axe d'une rigidité absolue, sans quoi il y a fort à parier que le deux surfaces ne seront pas plates et que le foret à venir sera de qualité douteuse.

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Deux faces anglées coupantes

Voilà l'opération la plus délicate, celle qui demande de l'habitude, il est rare de réussir du premier coup des forets parfaits, mais la persistance étant la plus belle des qualités dans la vie, il ne faut absolument pas se décourager....................


Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.
( Nicolas Boileau, de l'art poétique 1674, Chant 1 )


Pour obtenir deux angles de coupe, permettant de percer avec un outil électrique tournant dans le sens des aiguilles ( encore ) d'une montre il faut faire en même temps et d'un seul geste, chaque angle qui compose la pointe du foret et en même temps l'angle qui donnera une tranche coupante à ces deux angles de coupe.

En tenant fermement le roule-goupille, faites toucher le bout de l'aiguille sur la pierre à aiguiser, droit comme un poteau, penchez légèrement sur la droite pour donner l'angle que l'on voit sur la photo ci-haut et comme sur la partie no:3 du dessin plus bas, ensuite penchez vers l'arrière très peu, à peine quelques degrés, c'est cette angle qui deviendra l'angle de coupe. Tout dépendant de la grosseur de l'aiguille et de la force que vous y mettrez, quelques aller-retour sur la pierre huilée suffiront à aiguiser un côté du foret.

Pour obtenir deux angles identiques, il faut se mettre en tête de faire des mouvements identiques, une sorte de mémoire spatial...., la chose est facile si l'on prends garde de bien poser son coude sur une surface plate et confortable, le bras et la main parfaitement rigide et tenant fermement l'outil, l'autre main tenant la pierre à aiguiser.

Pour percer une plaque de métal précieux de quelques dizièmes à deux millimètres d'épaisseur avec ce foret et un peu d'huile, il ne faudra que quelques secondes voir un peu plus d'une minute et encore plus dans le cas du platine.

Pour des raisons esthétiques, il m'arrive dans des médaillons circulaires de faire une suite de demi-trou, les uns à côté des autres, dans ce cas, je me fais des forets avec des angles plus aigu, de même lorsque je dois percer l'extrémité rivetée d'une goupille dans une charnière servant à tenir une bélière qui serait à réparer.

Derrière ce petit outil se cache une grande liberté, une grande efficacité. En fonction du travail à exécuter cette technique rend de très nombreux services.

Pour faire un foret aiguille, montre en main, je l'ai encore vérifié dernièrement, il faut moins de soixante secondes, pour un outil neuf, disponible en tout temps et du diamètre désiré c'est et depuis longtemps du '' just in time ''.

À ce propos je considère, que bien des pensées, bien des méthodes, bien des approches, bien des astuces et moulte solutions de travail pratiquées par les industries ont été empruntées et sans droit d'auteurs aux artisans qui depuis la nuit des temps avec amour et patience ont offert à leurs contemporains leurs efficaces beautés.



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Foret coupant avec de petits copeaux visibles

Vous aurez la preuve que les deux angles de votre foret coupent vraiment tous les deux si vous voyez apparaître en même temps et des deux côtés du foret des copeaux de même grosseur.

Que le foret aiguille soit petit m'empêche en rien une grande satisfaction devant le spectacle d'un perçage rapide fait de manière si efficace.

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Trois étapes principales pour faire un foret-aiguille

Avec cette méthode, il est aussi possible de faire des foret adaptés au aller-retour d'un outil très ancien comme le drille, constitué d'une barre de bois montant et descendant perpendiculairement sur un axe central en acier se terminant par un nez de serrage, qui est entrainé successivement dans les deux sens de rotation par une corde ou un lacet de cuir attaché aux extrémités de la barre de bois et passant dans un trou au sommet de l'axe en acier.

Dans ce cas les deux faces coupantes sont faites d'un seul et même côté du foret, il coupera donc une fois à l'aller et une autre fois au retour.

Dans le bas de la page '' présentation '' de la section '' Qui nous sommes '' vous pourrez voir l'outil en question que j'ai choisi comme motif pour mon poinçon de maître. Il est symétrique, ancien et comme moi fonctionne sans électricité.....la liberté.

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Aiguille au bout du pinceau à borax

Une aiguille, fixée en la poussant à force dans un trou fait à l'extrémité du pinceau à borax, sert de petite pointe à feu, bien pratique et toujours sous la main pour faire tenir le paillon de soudure que l'on vient de poser avec une brucelle sur les pièces à souder.

Ainsi avec deux mains on contrôle en une seule opération, une paillon de soudure et trois outils, il me serait maintenant impossible de me passer de cette méthode.

Pour comprendre encore mieux cette autre utilité d'une aiguille à coudre, vous pouvez lire le texte '' Bouteille de collobore, pinceau et soudures '' dans cette même section '' Méthode de travail ''.

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Émeriseur fait avec le chas de l'aiguille à coudre

Une petite bande de papier d'émeri de grains variables (1500-600-400-280), simplement passée dans le chas d'une aiguille à coudre, servira de tout petit émeriseur monté sur la pièce à main de la perceuse électrique, il sera alors aisé d'émeriser de très petites courbes internes dans un bijou, ce qui facilitera grandement la précision du travail et la beauté du polissage à suivre fait avec un ruban de coton (biais de coton) enduit de pâte à polir.

Pour faire varier le diamètre de l'outil il faut soit diminuer ou allonger la longueur de la petite bande de papier d'émeri....pourvu qu'elle tienne.

Les diverses méthodes de polissage feront un jour, l'objet d'un long article. Un émerisage bien fait est promordial pour bien réussir le polissage et respecter les surfaces, les lignes, les courbes et les arêtes constituant le volume d'un bijou.

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Cannetille d'anneaux or avec fil de 9/10 mm

Les anneaux ronds sont en bijouterie une nécessité absolue.

Pour des emmaillements simples, pour faire des bases de boucles d'oreilles perles sur tiges, pour des anneaux en bout de chaîne fixant les fermoirs, comme intermédiaires entre un pendentif et une bélière, pour servir de bâtage sur un chaton mécanique, pour fondre en ayant la certitude faire des boules de diamètres et de poids identiques, pour servir de base dans des chatons de type '' Cartier '' et dans la base de bagues entourages, etc....etc.... encore une fois les aiguilles à coudre seront fort utiles en devenant des mandrins solides pour enrouler divers diamètres de fil de métaux précieux.

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Deux aiguilles pour bloquer une pièce ajourée en argent

Sur une surface à souder en amiante de synthèse, les aiguilles à coudre seront aussi très pratiques pour bloquer et tenir en place rapidement un motif contre lequel on voudra venir souder par exemple un anneau ou une sertissure, il sera alors facile de se servir d'une pointe à feu sans crainte de voir la pièce bouger au moment précis où coulera le paillon de soudure.

Mais dans ce cas, les aiguilles ne seront plus vraiment récupérables ayant souvent été chauffées à rouge.

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Aiguille pour tracer

Sur cette photo, une aiguille est tenue solidement par un roule-goupille, je me sers de cette outil, pour tracer sur le métal à main levée, ou avec l'aide d'une équerre, d'un réglé ou d'un gabarit.

Je m'en servirai aussi pour rectifier les contours d'un dessin à l'encre de chine directement fait à la plume sur la surface d'un métal précieux.

Cette pointe me sert aussi à faire une légère trace dans des feuilles entières de papier d'émeri qui se plieront facilement sur une baguette rectangulaire de bois pour servir de '' cabron '' comme disent les horlogers.

C'est aussi avec cette pointe que je trace des repères très précis sur des anneaux et des bagues, pour contrôler l'emplacement des pierres avant de percer et fraiser.

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Pendentif en équilibre sur une aiguile pour trouver son centre

La pointe d'une aiguille peut aussi servir de point d'appui pour vérifier avec précision l'endroit où sera soudé l'anneau tenant une future bélière sur un pendentif ajouré. Cela permet de voir si le pendentif est en parfait équilibre en tenant compte à la fois son horizon et de sa verticalité.

En plus de toutes les mesures et de tous les points de repères, c'est l'oeil du bijoutier qui doit être parfaitement satisfait de ce qu'il voit, car c'est avec le même oeil que son bijou sera regardé et jugé par autrui.....

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Aiguille servant à agrandir légèrement un anneau en poussant....

Sur cette sertissure en platine, l'anneau, déjà soudé et à peine trop petit est agrandi en y poussant la pointe conique d'une aiguille tenue dans un roule-goupille. Cette opération se fait en prenant appui sur un petit coin de la cheville pour ne pas tordre l'anneau. Il s'agit en fait d'augmenter son diamètre intérieur de quelques centièmes de millimètre, assez pour que la bélière puisse y bouger librement.

Il n'est pas mauvais, suite à cette opération de polir l'intérieur de l'anneau avec du fil de polyester recouvert de coton (26%) et de pâte à polir.





J'oublie encore certainement plusieurs autres applications de ces belles aiguilles.......

L'aiguille à coudre étant certainement l'outil qui permet le plus grand nombre de détournements en bijouterie-joaillerie......pourvu que les humains aient l'intelligence de coudre encore longtemps.

Je n'hésite pas, par plaisir à mettre ici quelques citations de ce fameux bijoutier...Nicolas Boileau......

''Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément.''

''La preuve qu'il ne fut jamais mon médecin, c'est que je suis encore en vie.''

''Qui vit content de rien possède toutes choses.''

''Le temps respecte peu ce qu'on fait sans lui.''

''L'esprit lasse aisément, si le coeur n'est sincère.''

Fin des citations.


Je me promets de trouver le temps, de m'engloutir dans ce Boileau et de me régaler de cet esprit d'un temps... qu'il m'aurait plu d'y mourir.................mais avec internet......

Michel Zimmermann
Artisan Bijoutier-Joaillier
Québec le 7 novembre 2008

Les deux dernières photos ont été ajoutées les 31 août et 1 septembre 2009.


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